Laboratoire de Klarens

Il était une fois un jeune mage qui s'était construit (avec l'aide de Joshua) une belle plateforme en bois de forme circulaire dans un arbre afin de disposer d'un point d'observation, notamment astronomique, plus stable que les ruines de la tour et plus confortable que les branches de l'arbre.

Son laboratoire et le logement étaient situés dans une cabane en bois en bas de l'arbre où était entreposé du matériel à cet effet.

Les chaudes soirées de l'été 1241 le poussèrent à dormir de plus en plus fréquemment à la belle étoile sur la plateforme puis à y monter son matériel afin de poursuivre son travail sur le "Festin des babines affamées" magique sur lequel il travaillait d'arrache-pied.

Sans qu'il n'y prête attention dans un premier temps, quelques pies attirées par ses expérimentations continuelles sur la nourriture ou par son matériel précieux commencèrent à venir de plus en plus fréquemment sur la plateforme du mage. Dès qu'il s'absentait, pendant son lourd sommeil de lynx, l'arbre résonnait des croassements des volatiles. Le pies entreprirent d'établir quelques nids dans les branches de l'arbre, puis commencèrent ouvertement à chiper des charognes voire du matériel de façon de plus en plus téméraire sous le nez du mage. Bien qu'elles le craignaient encore, elles semblaient de plus en plus confiantes.

Notre jeune mage n'étant ni assez patient pour s'en accommoder, ni assez versé en Rego pour les repousser, ni assez sage pour déménager, il entreprit de se débarrasser des volatiles par la force et de détruire jusqu'au dernier de leurs nids.

Las, les pies revenaient chaque fois plus nombreuses et envahissantes, si bien qu'à la fin de l'été plusieurs dizaines d'entre elles vivaient en permanence dans l'arbre et s'évertuaient à bâtir des nids hors saison de plus en plus grands aux limites de la plateforme où œuvrait désormais le mage à temps complet, du moins lorsqu'il ne pleuvait pas. Il y installa une table de dissection au sud-ouest, un écritoire, divers matériels de mesure et de distillation au sud-est et une armoire pour prémunir ses plus précieux biens des oiseaux voleurs.

Celui-ci, absorbé durant tout le printemps par une tâche qui dépassait ses capacités et l'occupait jour et nuit, ne prêta même pas attention  à l'enchevêtrement croissant des nids en pleine saison de reproduction. Il refusa la proposition de sa sœur inquiète de régler le problème par le feu, prétextant être trop occupé par sa tâche pour s'occuper de stupides oiseaux. À vrai dire, les nepeta cataria fleurissaient dans la prairie et le mage était plus que distrait. Il ne remarqua pas, non plus, aux objets que déposaient les oiseaux. Certes, les oiseaux étaient voleurs et causaient de nombreux désagréments en laboratoire, mais ils entreposaient également de nombreux objets sur la plateforme dont l'origine aurait sûrement intrigué le mage s'il y avait prêté attention.

Toujours absorbé par ses travaux sur Muto Animal, le mage consacra son moins d'octobre à sculpter des formes animales qui vinrent agrémenter son lieu de travail, tout en lui permettant de mieux appréhender l'anatomie animale. Il représenta une ourse et ses deux petites (1), un papillon devant lequel il disposa un présentoir avec la couverture de la Summa détruite d'Eloïse (2), un hibou aux ailes déployées et un petit mustélidé (3), un étalon (4) et enfin, un lynx robuste (5). Absorbé par ses réflexions sur les nombreuses formes adoptées par les animaux et par une logique mystique qui semblait les lier à ses yeux, il les plaça en cercle autour du tronc et entrepris de tracer un pentagramme afin de les relier les unes aux autres.

C'est alors qu'il leva enfin les yeux des ses travaux et réalisa que sa plateforme entière avait petit à petit été ensevelie sous les branchages accumulés par les oiseaux. Le nid s'était refermé tout autour de son laboratoire et le contenait désormais tout entier. En traçant son symbole à cinq branches, il avait même machinalement suivi la lumière jusqu'aux passages aménagés par les oiseaux, qui volaient désormais à toute heure du jour et de la nuit dans le laboratoire, le traversant et s'y posant.

Loin de l'exaspérer comme précédemment, il réalisa soudain que c'était ce laboratoire mouvant, qui échappait à son contrôle, qui lui avait permis de mener à bien ses recherches sur la magie Muto. Et que les piaillements incessants de ces oiseaux de malheur n'étaient certainement pas étrangers à sa progression en ce qui concernait le domaine de l'Animal.

Ainsi, il reprit frénétiquement ses travaux tandis que les oiseaux refermaient lentement leur toit de branchage au dessus de sa tête.



Il vécu heureux jusqu'à la fin des temps et arrêta de se drojer.